Sous des cieux plus narcissiques
Happée par des bouffées de chaleur interminables, j'écris depuis l'une des pièces que j'aime le moins dans cette maison à laquelle je n'arrive toujours pas à me faire, même après un an et demi passé ici. C'est assez paradoxal, étant donné que c'est l'une des pièces où je passe le plus de temps. A cause de l'ordinateur, bien sûr. Cette grosse boîte noire va me manquer pendant le mois d'août. Pas pour le net, ça me fera le plus grand bien de m'en tenir éloignée. Mais pour la musique. Je ne sais pas ce que je vais bien pouvoir faire sans ces chansons. Quand je pars de chez moi, il faut toujours que j'emmene une ration raisonnable de cds (dont le nombre se calcule en fonction de la durée de l'absence), des livres et un dictionnaire d'anglais. Même quand je ne pars que pour une journée au lycée. C'est idiot, vraiment. C'est un peu comme un kit de survie en zone extérieure au cocon. Depuis que j'ai troqué mon gros sac à dos contre un petit sac de lycéenne qui ne pèse pas une tonne, je n'emmène qu'un livre ou deux, ça m'ennuie, je ne sais pas trop pourquoi étant donné que dans la journée au lycée j'ai rarement l'occasion de lire pour moi, au calme. Le matin dans le car, c'est mon réveil musical, je suis bien trop absente cérébralement parlant pour lire quelque chose sans butter sur chaque mot et sans relire la même ligne quinze fois de suite sans m'en rendre compte. Dans la journée, les cours même les plus ennuyeux sont trop bruyants pour lire. Il me reste donc le soir dans le voyage retour en car (est-il utile de préciser qu'il me faut presque trois quarts d'heure pour rentrer chez moi ?) mais je suis trop fatiguée pour lire. Mais avoir deux livres au moins dans mon sac ça me rassure. Sans ça et ma petite clé USB-baladeur mp3 de 128Mo qui est cassée depuis plus d'un an (mais qui marche encore), je me sens vide. Vraiment vide. Prendre de la musique et des livres c'est une sécurité, et je ne comprends toujours pas pourquoi.
C'est un peu comme garder des tas d'objets inutiles qui ne t'ont jamais servi et tu sais pertinamment que tu ne t'en serviras jamais mais tu les gardes au fond d'un tiroir en prétextant un "ca pourra peut-être me servir un jour" pour te voiler le fait que tu t'attaches à des trucs inutiles et sans importance. Tu les aimes bien en fait ces objets, même si ça défie toute ta théorie anti-matérialiste. Ils représentent quelque chose, symbolisent un moment. Tu trouves ça con parce que ces moments vivent encore quelque part dans ta mémoire, mais juste parce que tu as peur que ça ne soit pas toujours le cas, tu gardes ces bouts de papier, ces stylos cassés, ces billets de train, ces papiers trouvés dans la rue à Londres, à Dublin, ces clés qui correspondent à une maison dont on a changé les serrures.
Je disais donc que j'écrivais depuis cette pièce étouffante et mal isolée. Je me sens mal, j'ai du mal à respirer mais je reste. Je me sens d'autant plus mal que j'ai Laura Pausini dans la tête, je supporte pas sa voix, comme la majorité des gens qui savent se servir de leurs oreilles. Non, le pire pour les oreilles c'est Tina Arena. Une pub d'elle et je suis sourde jusqu'au lendemain. Mes oreilles se ferment, refusent d'en entendre plus. On se demande comment certains peuvent la qualifier de diva...
Je voulais pas parler de ça. J'en ai marre de ma loque-attitude. J'ai envie de faire des choses constructives, des choses qui me feront penser "J'ai passé un été génial, j'ai fait plein de choses constructives pour moi". J'ai la volonté, mais le reste ne suit pas. Il fait trop chaud, c'est comme si j'étais handicapée. Par peur d'avoir encore plus chaud, je ne fais rien, mais vraiment rien du tout. Ca me mine parce que l'ennui me monte vraiment très vite à la tête. Ma mère veut m'emmener à une espece de son et lumières dans les jardins de Versailles ce soir, mais j'en ai pas envie. Pourtant j'adore les jardins de Versailles, ou du moins, d'après mes yeux de gamine de dix ans, les jardins de Versailles c'est merveilleux. Maintenant j'aimerais peut être moins. Mais la chaleur me coupe l'envie de tout. Sauf l'envie de rêvasser, couchée par terre dans ma salle de bains, les bras labourés par mon chaton qui cherche un peu d'affection intéressée (pour de la nourriture, pour la chaleur -comme si l'air n'était pas suffisamment chaud...), la musique à fond, les yeux clos. J'aime être seule. C'est peut être aussi pour ça que je ne veux pas aller là bas avec eux ce soir, ça fait environ deux mois que je n'ai pas été seule dans la maison, ça me manque.
Ce soir, ça va hurler des "Debaser" dans la maison, un peu de joie ça habille les soirées estivales creuses.
BAIN MUSICAL // Joshua Radin